Il
n’était pas rare que, lorsque le soleil ne se montrait pas timide, je me rendis
à pied en centre-ville. Le chemin entre le campus universitaire et la place de
la Comédie, fort agréable, permet de découvrir une partie du Montpellier
historique. Nous étions l’un de ces jours lorsque je fis abordé par une jeune
fille déboussolée. Se tenant devant le CROUS, fermé à cette heure-ci, elle
m’interrogea sur les horaires d’ouverture et m’indiqua qu’elle cherchait un
logement étudiant. A cette époque-là de l’année sa requête me semblait
suffisamment étrange pour que je l’interrogeasse à mon tour. Originaire du
centre de la France, mineure et non étudiante, elle était arrivée relativement
par hasard à Montpellier quelques heures plus tôt. Je n’en sus pas plus mais assez
pour la conduire à un hôtel du centre, lui payer une chambre pour la nuit et
lui donner mon numéro. Au cas où. Le cas se présenta dès le lendemain. Et
pratiquement tous les jours les mois qui suivirent. Sa vie n’était que drame.
Accroc à l’héroïne avant ses quinze ans, elle est mise à la porte par sa mère
qui ne la supporte plus. S’en suivra un an de squats crasseux et de viols sur
les routes de l’hexagone. Pas encore âgé de dix-sept ans au moment où nos
chemins se croisèrent elle n’avait connu de l’amour que la violence animale des
hommes. Blessée, le corps mort, mais l’âme vive, elle tentait désespérément de
ne pas couler. Tout en elle était douleur. Elle humait l’air, non pour vivre,
mais dans l’attente de sentir l’espoir passer. Pour survivre.
Au cours
de mes études, à cette époque ou le temps ne s’effiloche pas dans nos doigts
comme un bas trop longtemps porté, j’ai usé les trottoirs montpelliérains. Pour
diverses raisons. Politiques tout d’abord. Humaine par la suite. Des êtres
blessés par la vie, de pauvres carcasses humaines essayant de survivre, j’en ai
connu. Souvent talentueux, ces humains rejetés, par leurs parents, une famille
ou par un employeur, se mourraient sous les yeux clos des passants. Je me
souviens de cette vieille femme abandonnée de tous ne pouvant se loger à cause
de sa retraite trop maigre. Morte sous le poids de la violence de la rue. Je me
souviens cette pianiste géniale, constamment droguée et sans le sous qui nous
donnait de magistraux concerts sur ce piano posé pour l’usage de tous à la
gare. Je me souviens…Tant d’autres !
Cette
terrible misère pourtant n’a pas connu l’horreur de la guerre. La guerre c’est
pire ! Plus poussiéreux, plus bruyant, plus dangereux ! Si dans la rue on prie
pour survivre une nuit de plus, le pari se fait pour une minute dans une guerre
! Plus implacable que la rue, la guerre broie. Des hommes, des femmes, des
enfants. De tout âge, de toute condition. Elle broie, ampute, tue, esseule sans
état d’âme. Des orphelins, le cœur emplit de stupeur puis de haine naissent à
tous les coins de rue. Ils appartiendront à l’Histoire et, plus tard, on leur
demandera d’y entrer avec fracas par la vengeance. Pour la grandeur ! Le sang
comme gloire ! Quelle triste destinée !
Dans
cette guerre qui oppose l’Ukraine et la Russie, je pense aux femmes
ukrainiennes qui voient, la larme à l’œil et la peur au ventre, leurs maris,
leurs enfants, prendre les armes pour défendre leur patrie. Leur résistance est
héroïque. Certes ! Mais terrible aussi ! Car cela l’est de tirer sur un autre
homme ! Je me souviens de ces mots de feu le résistant Yves Guéna : « se battre
pour son pays, ce n’est pas de la violence, c’est de la grandeur ». Terrible
sort pour l’Ukraine ! Mais je pense aussi aux femmes russes qui, elles aussi,
ont vu leurs maris, leurs enfants partir faire la guerre chez le voisin.
Beaucoup ne reviendront pas ! Beaucoup de ces femmes, de ces mères russes
finiront leur vie en pleurant ! Quelle misère ! Quelle tragédie !
Lorsque
l’on use de ce mot : guerre, nous ne devons jamais oublier ce qu’il représente.
Sacrifice, sang versé, désespoir, horreur ! Il n’est pas un mot à agiter par
plaisir, par délectation, par ennui. Il est un mot sérieux par les ravages
qu’il porte en lui.
De
cette guerre je ne connais rien. Je ne connaissais pas la géopolitique de
l’Europe de l’est hier, je ne la connais pas plus aujourd’hui ! Certains sont
devenus des spécialistes dans la nuit se forgeant de solides opinions qu’ils
brandissent. D’autres, souvent journalistes, nous parlent, la peur faisant
vendre, de troisième guerre mondiale. Tant mieux pour eux !
Dans
ce chaos ambiant, et sans être un pacifiste, loin s’en faut, je souhaite parler
de paix ! Dans cette guerre je n’ai ni opinion ni barrière. Deux peuples frères
se massacrent. Je ne suis ni pour l’un ni pour l’autre. Et donc pour les deux.
Mon étendard à moi est la science. Et la science est pacifique !
La
science ouvre des ponts entre civilisations par la collaboration des
intelligences. Les défis que nous autres humains avons à relever sont nombreux.
La science, à l’image de l’évolution créatrice, sait être compétitive et
collaborative. La communauté scientifique se doit de promouvoir la paix par la
collaboration de ses membres. Des êtres s’interrogeant ensemble et travaillant
de concert aux réponses ne peuvent se faire la guerre. La communauté
scientifique a donc un rôle nécessaire et impératif à jouer pour que ces deux
pays puissent sereinement reprendre le chemin de la paix. Personnellement je
vous présenterai des recherches intéressantes effectuées par des équipes des
deux pays. La mise en avant de l’intelligence, de la compréhension et de la
réflexion couplée à la lutte contre la désinformation, est une façon parmi
d’autres de faire taire les armes. Mais, en tant que jeune chercheur, c’est la
seule dont je dispose.
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