mardi 29 mars 2022

Introduction à l'expérimentation animale

 



L’expérimentation sur animaux est largement utilisée en recherche biomédicale, en recherche toxicologique (que certains mettent dans la case recherche biomédicale) et en recherche vétérinaire .

Dans ce domaine, deux grandes visions, que je vais très brièvement résumer, s’opposent.

La première est la vision réglementaire et/ou légale et que l’on résume par le sigle des 3R (que mon invité détaillera). Cette vision indique que la dignité des animaux utilisés est respectée par les chercheurs si l’utilisation de son être est justifiée par des intérêts apportés à la société humaine. C’est ce que le droit suisse nomme « la pesée des intérêts ». Dans cette « pesée des intérêts » la loi intègre la notion « d’indispensabilité ». Plus clairement, la législation suisse indique que la recherche peut utiliser un animal si et seulement si la société humaine y trouve un bénéfice (le plus souvent médical ou de sécurité alimentaire) et qu’il n’existe aucune autre alternative pour ces recherches à l’utilisation animale. Cette vision, d’une certaine façon, oppose donc l’animal et l’humain puisque le second utilise le premier pour son intérêt. La limite ici est le modèle animal utilisé. Un mauvais modèle ne permettra pas d’apporter une quelconque réponse à une question scientifique possible et les individus animaux seront utilisés pour rien. Si techniquement la loi devrait vérifier les modèles proposés pour diminuer le nombre d’individus utilisés, dans de nombreux cas, le bénéfice paraît si important que l’on ne pèse nullement l’intérêt du modèle proposé. Je pense notamment aux modèles utilisés en cancérologie

La seconde vision, celle de mon invité mais il la définira bien mieux que moi, indique que l’humain ne doit pas utiliser l’animal à son profit. A tout le moins, ne devrait pas le faire souffrir pour en tirer un quelconque bénéfice. Il n’y a pas ici d’opposition entre l’humain et l’animal. La limite ici est l’expérimentation sur l’humain lui-même. Cette limite a été démontrée lors du vote du 13 février 2022 en Suisse. L’initiative 1 avait en effet pour titre « initiative populaire interdiction de l’expérimentation animale et humaine ». Les porteurs de cette initiative souhaitaient aussi l’interdiction des essais cliniques s’ils ne sont pas effectués dans le cadre d’une médecine dite « personnalisée ». Plus exactement, dans le texte de l’initiative il est écrit que (je cite) « les expérimentations animales et humaines sont intéressantes d’un point de vue marketing ou juridique ; elles sont toutefois trompeuses en ce qui concerne la santé. L’expérimentation humaine ne fournit que de vagues valeurs moyennes. Elle n’offre aucune garantie pour le traitement des individus ». Plus loin, le texte indique que (je cite toujours) : « La protection des animaux et des humains est actuellement insuffisante. Les animaux sont privés de leur liberté, d’un développement normal et de leur intégrité émotionnelle et corporelle. Les humains incapables de donner leur consentement ou mal informés sont eux aussi insuffisamment protégés. Avant une expérience, personne ne peut prédire quels patients en particulier subiront des souffrances ou des dommages psychiques ou physiques ». Mon invité nous dira ce qu’il pense de ce point.

Une troisième vision, ultra-minoritaire, celle d’un biologiste pur, est que toute vie utilise toute vie pour son propre profit. La vie est continue et tout individu se sert d’un autre pour sa survie et la survie de son espèce via l’alimentation, la protection contre le froid, la santé. La limite de cette vision est que tout, même la pire horreur, devient acceptable.

Mais tout n’est pas acceptable et tout doit donc être débattu. Aujourd’hui, avec Nicolas Marty nous vous proposons un débat qui a pour question : « Expérimentation animale en Europe: mieux l'encadrer ou l'interdire? ». Si l’on parle de l’Europe c’est parce que Nicolas est un militant en France et moi un postdoctorant en Suisse. Ce qui va être intéressant ici est que Nicolas maîtrise les lois, leur historique et la philosophie derrière cette expérimentation animale. Moi, en tant qu’utilisateur d’animaux pour mes recherches, la technicité et la méthodologie sur les recherches animales. Ce que j’aime chez Nicolas c’est sa précision et sa restriction à ce qui se passe en France.

Avant de lui laisser la parole, et pour éclairer un peu mon positionnement, je vais vous parler de mes recherches antérieures et actuelles. J’ai débuté ma carrière par un travail sur la mise au point de deux méthodes alternatives à l’utilisation animale. La première pour un organisme public, feu l’Afssaps, devenu l’ANSM après le scandale Médiator. A l’époque, en Europe, on utilisait des lapins pour vérifier la quantité de pyrogénes sur les médicaments disponibles sur le marché. A savoir que les pyrogénes conduisent à des chocs anaphylactiques et donc au décès du patient. Aux USA, ils utilisaient du sang de limule, un crabe. En collaboration avec une équipe à Genéve et une équipe à Berlin, j’ai travaillé sur une méthode de quantification des pyrogénes sur du sang humain. Depuis 2012, cette technique est utilisée en France. Les lapins ne le sont plus. Pour l’industrie pharmaceutique, la compagnie Pierre Fabre, j’ai travaillé sur une méthode de quantification de possibles interactions médicamenteuses. A l’époque, c’est-à-dire avant la mise en place de méthodes de remplacement, on utilisait des chiens. En interne j’ai élaboré une méthode utilisant des cellules de foie humain provenant de donneurs souvent en mort cérébrale. Pendant ma thèse j’ai travaillé sur du tissu humain et là j’ai commencé à vouloir travailler sur animaux. Pourquoi ? Parce que dans le domaine de l’endocrinologie et de la physiologie il y a une certaine frustration de ne pas pouvoir travailler sur un organisme entier. Les questions posées seront plus restrictives de fait et les réponses parfois inexistantes. J’ai donc cherché un post-doc durant lequel je pourrais étudier un organisme entier. Aujourd’hui, je travaille sur rongeurs, depuis 3 ans donc, et comme la plupart des chercheurs je m’interroge sur nos pratiques. Notamment les sacrifices. Je ne vois pas les associations de défense des animaux comme des adversaires mais, au contraire, comme des organisations complémentaires au monde de la recherche. A la condition qu’il y ait une compréhension du monde de la recherche. Et, à la condition de ne pas tomber dans certains extrêmes. Ce qui, à mon sens, est le cas de l’initiative du 13 février. Certains militants ont, lors des débats que nous avons eu sur des marchés, traité les chercheurs de « génocidaires ». La complémentarité me semble difficile à voir en ce cas. Mais les chercheurs ont souvent aussi des mots très durs envers les défenseurs des droits des animaux. Les échanges sont nécessaires. Et Nicolas et moi vous en proposons un aujourd’hui. Ainsi, vous comprenez que pour moi l’expérimentation animale peut-être substituable parfois, nécessaire parfois également. La notion de nécessité sera discutée.

Paul-Emmanuel Vanderriele

mardi 22 mars 2022

Colloque IHU Méditerranée: appel à la jeune garde scientifique!

 


Hier, avec un fort talentueux technicien qui m’aide sur le projet, nous avons passé une dizaine d’heures devant une machine de mesure de tension vasculaire. Une dizaine d’heures ! Simplement pour la mise au point d’un de nos contrôles ! Le soir venu, rentré à la maison, tard ! les enfants qui crient, à nourrir, laver, embrasser et coucher. Et puis un brin de ménage. Il est minuit passé. Le prochain bus est à 6 heures…

Une dizaine d’heures pour un contrôle ! Nous aurions pu légèrement tourner une molette, modifier une image ou que sais-je d’autre ? Au lieu de cette dizaine d’heures nous n’en aurions mis qu’une. Mais nous aurions alors frauder !

Oui, c’est long la science. Le résultat ne vient pas à nous. Nous devons le chercher ! Le débusquer ! Pour peu bien sûr que nous nous soyons préalablement posé les bonnes questions !

Oui, c’est long la science ! Ce résultat débusqué, analysé, décortiqué, mis en parallèle avec celui d’autres équipes nous donne le saint Graal : la publication scientifique ! Cette publication tant méritée ! Ce champagne du chercheur ! Ce diamant brut que l’on ne tire pas de la mine tous les 4 matins…

Oui, c’est long la science ! Mais sans ce temps impératif et irréductible aucun résultat ne peut être reproductible ! Aucun résultat ne peut alors avoir du sens ! Aucun résultat n’est digne d’en être de la recherche !

Il existe mille et une façon de réduire ce temps. Mais quelle que soit celle utilisée, on est dans la fraude.

Si la science c’est croire ce que l’on voit par la méthode, la fraude c’est voir ce que l’on croit ! Éric Zemmour me permettra sans doute de reprendre une partie de son propos et de l’affiner. Lui qui, je cite, « voit ce qu’il croit ».

Si la science c’est valider ou invalider ses hypothèses par des résultats méthodologiquement acquis, la fraude c’est valider ou invalider ses résultats selon qu’ils soient, ou non, en accord avec nos hypothèses. Le plus souvent les hypothèses du chef/directeur. Pour citer le Dr Guy-André Pelouze : « La médecine française est une médecine ou l’opinion de gens nommés à vie prévaut sur les résultats scientifiques, expérimentaux, et en particulier sur les résultats infalsifiables des essais cliniques. Ces personnes ont l’impression d’être dans une situation d’omniscience. Ils affirment des choses et personne ne doit remettre en question leurs propos ». Et c’est bien ce qu’a démontré l’enquête de Médiapart sur le système de fonctionnement de l’IHU Méditerranée.

Bientôt, se tiendra à l’IHU Méditerranée, un colloque de pseudoscience antivaccinale. N’ayons pas peur des mots : l’un de nos fleurons de la recherche biomédicale française bats le pavillon des pseudosciences ! Selon le Dr Laurent Mucchielli, organisateur de ce colloque, je cite, « Ce colloque scientifique réunit uniquement des universitaires qui ne répètent pas les discours officiels ». Comprenons : ce colloque réunit uniquement des universitaires qui luttent par la fraude contre le consensus scientifique ! Autrement dit, pour ces chercheurs et leurs hôtes, la science est devenue une opinion. Banale ! Vulgaire ! Discutable à l’envie !

Un sondage paru ce matin fait froid dans le dos : Plus d'un Français sur deux considère que les théories scientifiques ne sont que « des hypothèses parmi d'autres ». Voilà ou nous en sommes rendu ! Voilà le résultat de la politisation du monde de la recherche ! La boîte de Pandore est ouverte ! Terrible sera la suite !

Et pendant que d’indéboulonnables chef de services ou directeurs d’instituts, devenus plus politiciens que chercheurs, imbues d’eux-mêmes et de leurs propres certitudes, diffusent leurs théories fumeuses, et parfois létales en biomédecine, de jeunes et talentueux chercheurs suent, publient peu et, in fine, abandonnent par manque de bourses. Des centaines, des milliers de talents sont jetés sur les trottoirs aux limites du monde de la recherche comme de vulgaires ordures. Et au-delà du limes, pense-t-on, il n’y a que barbarie ! Et pourtant, la barbarie est bien à l’intérieur, grandissant à l’ombre de cette trahison des tutelles si bien décrite par le professeur Jacques Robert !

Les intervenants de ce colloque seront tels des Staline : regardant leurs vidéos de propagande en se convaincant que c’est la réalité ! Cette propagande, protégée par le monde politique et l’entre-soi marseillais, sera diffusée au public par les réseaux sociaux. Encore une fois, des chercheurs intègres se lèveront contre elle. Mais ils finiront broyés par les insultes et autres menaces de mort. Dans l’indifférences crasse des tutelles ! Dois-je ici leur demander d’agir ? En période d’élections personne ne bougera ! Pourtant la désinformation tue la démocratie ! Mais c’est un péril lent ! Un danger impalpable jusqu’au jour de son explosion !

Dans le monde de la recherche, au moins français, le talent est broyé et jeté. Memento Mori ! Faisons-en sorte que la jeune garde mette fin à ces états de fait ! Le talent fait fierté et donne l’éternité. La fraude est emportée dans la tombe.

Paul-Emmanuel Vanderriele

 

mardi 15 mars 2022

Guerre en Ukraine: la science pour la paix?


Il n’était pas rare que, lorsque le soleil ne se montrait pas timide, je me rendis à pied en centre-ville. Le chemin entre le campus universitaire et la place de la Comédie, fort agréable, permet de découvrir une partie du Montpellier historique. Nous étions l’un de ces jours lorsque je fis abordé par une jeune fille déboussolée. Se tenant devant le CROUS, fermé à cette heure-ci, elle m’interrogea sur les horaires d’ouverture et m’indiqua qu’elle cherchait un logement étudiant. A cette époque-là de l’année sa requête me semblait suffisamment étrange pour que je l’interrogeasse à mon tour. Originaire du centre de la France, mineure et non étudiante, elle était arrivée relativement par hasard à Montpellier quelques heures plus tôt. Je n’en sus pas plus mais assez pour la conduire à un hôtel du centre, lui payer une chambre pour la nuit et lui donner mon numéro. Au cas où. Le cas se présenta dès le lendemain. Et pratiquement tous les jours les mois qui suivirent. Sa vie n’était que drame. Accroc à l’héroïne avant ses quinze ans, elle est mise à la porte par sa mère qui ne la supporte plus. S’en suivra un an de squats crasseux et de viols sur les routes de l’hexagone. Pas encore âgé de dix-sept ans au moment où nos chemins se croisèrent elle n’avait connu de l’amour que la violence animale des hommes. Blessée, le corps mort, mais l’âme vive, elle tentait désespérément de ne pas couler. Tout en elle était douleur. Elle humait l’air, non pour vivre, mais dans l’attente de sentir l’espoir passer. Pour survivre.

 

Au cours de mes études, à cette époque ou le temps ne s’effiloche pas dans nos doigts comme un bas trop longtemps porté, j’ai usé les trottoirs montpelliérains. Pour diverses raisons. Politiques tout d’abord. Humaine par la suite. Des êtres blessés par la vie, de pauvres carcasses humaines essayant de survivre, j’en ai connu. Souvent talentueux, ces humains rejetés, par leurs parents, une famille ou par un employeur, se mourraient sous les yeux clos des passants. Je me souviens de cette vieille femme abandonnée de tous ne pouvant se loger à cause de sa retraite trop maigre. Morte sous le poids de la violence de la rue. Je me souviens cette pianiste géniale, constamment droguée et sans le sous qui nous donnait de magistraux concerts sur ce piano posé pour l’usage de tous à la gare. Je me souviens…Tant d’autres !

 

Cette terrible misère pourtant n’a pas connu l’horreur de la guerre. La guerre c’est pire ! Plus poussiéreux, plus bruyant, plus dangereux ! Si dans la rue on prie pour survivre une nuit de plus, le pari se fait pour une minute dans une guerre ! Plus implacable que la rue, la guerre broie. Des hommes, des femmes, des enfants. De tout âge, de toute condition. Elle broie, ampute, tue, esseule sans état d’âme. Des orphelins, le cœur emplit de stupeur puis de haine naissent à tous les coins de rue. Ils appartiendront à l’Histoire et, plus tard, on leur demandera d’y entrer avec fracas par la vengeance. Pour la grandeur ! Le sang comme gloire ! Quelle triste destinée !

 

Dans cette guerre qui oppose l’Ukraine et la Russie, je pense aux femmes ukrainiennes qui voient, la larme à l’œil et la peur au ventre, leurs maris, leurs enfants, prendre les armes pour défendre leur patrie. Leur résistance est héroïque. Certes ! Mais terrible aussi ! Car cela l’est de tirer sur un autre homme ! Je me souviens de ces mots de feu le résistant Yves Guéna : « se battre pour son pays, ce n’est pas de la violence, c’est de la grandeur ». Terrible sort pour l’Ukraine ! Mais je pense aussi aux femmes russes qui, elles aussi, ont vu leurs maris, leurs enfants partir faire la guerre chez le voisin. Beaucoup ne reviendront pas ! Beaucoup de ces femmes, de ces mères russes finiront leur vie en pleurant ! Quelle misère ! Quelle tragédie !

 

Lorsque l’on use de ce mot : guerre, nous ne devons jamais oublier ce qu’il représente. Sacrifice, sang versé, désespoir, horreur ! Il n’est pas un mot à agiter par plaisir, par délectation, par ennui. Il est un mot sérieux par les ravages qu’il porte en lui.

 

De cette guerre je ne connais rien. Je ne connaissais pas la géopolitique de l’Europe de l’est hier, je ne la connais pas plus aujourd’hui ! Certains sont devenus des spécialistes dans la nuit se forgeant de solides opinions qu’ils brandissent. D’autres, souvent journalistes, nous parlent, la peur faisant vendre, de troisième guerre mondiale. Tant mieux pour eux !

 

Dans ce chaos ambiant, et sans être un pacifiste, loin s’en faut, je souhaite parler de paix ! Dans cette guerre je n’ai ni opinion ni barrière. Deux peuples frères se massacrent. Je ne suis ni pour l’un ni pour l’autre. Et donc pour les deux. Mon étendard à moi est la science. Et la science est pacifique !

 

La science ouvre des ponts entre civilisations par la collaboration des intelligences. Les défis que nous autres humains avons à relever sont nombreux. La science, à l’image de l’évolution créatrice, sait être compétitive et collaborative. La communauté scientifique se doit de promouvoir la paix par la collaboration de ses membres. Des êtres s’interrogeant ensemble et travaillant de concert aux réponses ne peuvent se faire la guerre. La communauté scientifique a donc un rôle nécessaire et impératif à jouer pour que ces deux pays puissent sereinement reprendre le chemin de la paix. Personnellement je vous présenterai des recherches intéressantes effectuées par des équipes des deux pays. La mise en avant de l’intelligence, de la compréhension et de la réflexion couplée à la lutte contre la désinformation, est une façon parmi d’autres de faire taire les armes. Mais, en tant que jeune chercheur, c’est la seule dont je dispose.

Paul-Emmanuel Vanderriele

Citizen4Science donne une image erronée du monde de la recherche!

  NB  : Il est possible que ces lignes soient mal interprétées par la faune du net. Je précise donc que l’objectif de ma réponse n’est que ...