Six années ! Ou presque ! Vendredi
passé, après six années, ou presque, de travail, nous avons terminé et envoyé
notre papier. Six années de travail qui se concluent par un papier. Enfin,
conclure. Le terme est pour le moins inapproprié. Mais il n’y en a malheureusement
pas d’autre. Le français, aussi riche que soit la langue, ne possède pas
suffisamment de vocable pour décrire le monde scientifique. Un papier n’est pas
une conclusion mais est souvent le début d’un nouveau projet, l’ouverture à de
nouvelles perspectives. Certains diraient une renaissance. Là encore, ce serait
faux.
Six années ! Ou presque ! Mise en place
du modèle, étude de la modification génétique, description d’un mécanisme
probable et identification d’une possible cible thérapeutique. Probable !
Possible ! Il n’y a pas, et ce malgré une utilisation rigoureuse de la
méthodologie, des outils et des techniques scientifiques, de quoi modifier
notre perception du monde. Il n’y a pas même de quoi grandement modifier la
vision que nous avons de la pathologie que j’étudie depuis un certain temps
déjà.
Six années ! Ou presque ! Pour du
probable. Pour du possible. La recherche avance à petits pas. Un petit pas pour
le chercheur et, trop souvent hélas, pas un grand pas pour les patients. Une
simple petite bougie qui éclaire un théâtre trop vaste, un théâtre dont nous
n’apercevons pas les contours.
Six année ! Ou presque ! Pour lever une
part infinitésimale du voile d’une maladie, d’une pathologie complexe. Toutes
le sont ! Toutes sont multifactorielles ! Toutes affectent de
nombreux tissus.
Il parait, selon cette célèbre déclaration du
Général que nous cherchons beaucoup mais que nous trouvons peu. En réalité nous
trouvons beaucoup. Mais nos pas sont si petits que le public ne peut les voir,
ne peut les comprendre. De notre hauteur d’homme, le déplacement d’une puce est
invisible. Pourtant elle avance. Il faut le dire. Ce n’est pas notre
faute : c’est la nature qui est complexe ! Sacrée évolution !
L’incompréhension de cette complexité fut le drame
de l’actuelle crise sanitaire. Le public, au sens large, a cru les dires de
certains médecins : un traitement, un seul, pourrait entièrement soigner
une maladie aussi complexe que la Covid 19. Voilà donc qu’une potion magique
pourrait faire disparaître tous les symptômes liés au virus, et chez tous.
Pourquoi diantre s’embêter à avoir plusieurs types de traitements chez les
hypertendus ? Chez les diabétiques ? etc. Pourquoi donc perdre son
temps en cherchant les mécanismes d’entrée du virus ? Son processus de
réplication ? Ses effets sur les reins, les tissus olfactifs, le système
limbique ? La croyance en la molécule unique ou en une combinaison unique
pour les soigner tous s’est infiltrée dans l’esprit du public et a fait perdre
la raison à une part, longtemps croissante, maintenant en déclin, de la
population. Au point que les critères d’inclusion et d’exclusion des divers
essais cliniques à grande échelle étaient imperméables à l’intelligence du plus
grand nombre. Tentons l’exemple pour plus de clarté. Pour traiter
l’immunodéficience acquise, plus communément le SIDA, pathologie due à un virus
à ARN, il existe de multiples trithérapies, c’est-à-dire de multiples
combinaisons de molécules. Il est vrai, et c’est une simplification outrancière
langagière, que nous parlons communément de trithérapie au singulier. Le
français n’est sans doute pas fait pour la science ! Ou est-ce notre
esprit ?
L’incompréhension de la complexité fut le drame de
l’actuelle crise sanitaire. Répétons-le. Signe des temps, Barbara Stiegler,
fille du père de la philosophie de la complexité, a pondu, en début d’année, un
ouvrage d’une simplicité intellectuelle indigente ! La complexité semble
être morte avec son père !
Alors, ma chère Tatiana, tu as tort. Tu as tort
lorsque le 20 juillet tu t’écris sur le site à l’oiseau bleu et, sans doute
folle de bonheur, que des chercheurs ont
trouvé LA cause et LE traitement au Covid long (oubliant le féminin au
passage). Et qu’en plus, écris-tu, ce n’est pas une blague. Ce n’est pas une
blague mais une mécompréhension de ta part. Brièvement sur l’article, ils ont
développé un modèle d’analyse in sillico
et de discrimination des patients en Covid courte ou longue en se basant sur
les facteurs d’inflammation et immunologique plasmatique. En aucun cas ils
n’expliquent avoir trouver LA cause unique d’une covid longue et, encore moins
LE traitement ; le mot therapies
étant toujours au pluriel dans l’article. Ils indiquent simplement que leur
méthode de classification aidera grandement les cliniciens à diagnostiquer et
trier les patients. Un premier tri seulement donc. Un petit pas de plus et rien
de plus. Car c’est cela la science : une vieille dame avançant par petits
pas. Dès lors, Tatiana, pourquoi penser que cet article puisse donner une cause
unique et un traitement unique à une pathologie aussi complexe que la Covid
19 ? Et, qui plus est, d’une longue Covid ? N’as-tu donc rien appris
de la crise qu’a traversé et que traverse toujours le monde de la recherche en
ce moment ? N’as-tu donc pas compris, au long de ces longs mois de
malheureuse et bien regrettable souffrance pour toi Tatiana, que la complexité
ne se résume pas au singulier mais se conjugue au pluriel ? Alors, oui, je
comprends. Je comprends l’espoir que peut faire surgir en toi une telle
publication.
L’espoir. Oui, Tatiana. L’espoir. L’espoir d’une,
de LA solution miracle, a poussé tant de gens à suivre des chercheurs, des
médecins qui, sortant des sentiers battus, sentiers tracés par la méthodologie
et l’histoire de la science, ont affirmé avoir une potion magique. La volonté
de devenir un héros est très présente dans l’esprit d’un chercheur. Comme l’a
dit un jour feu le professeur Axel Khan : « Un chercheur est avant tout un homme qui a foi en lui et en son propre
génie ». J’ajouterai ici que cette foi doit être réduite au silence
pour laisser place au consensus.
Le consensus, chère Tatiana, est le fruit mûr de
la critique, des attaques acerbes, des réflexions, des discussions. C’est
l’autre drame de l’actuelle crise. Et là encore, Tatiana, tu es tombé dans le
piège. Ce piège, presque invisible pour le public, de la critique scientifique.
Un article n’est pas une conclusion. Il n’est qu’une étape. Une petite borne
sur une route pratiquement infinie. Mais cette borne peut-être mal placée,
déformée, mensongère de la mesure. Grâce à la critique, elle deviendra stable,
fixe, bien ronde, vérité. Elle deviendra consensus. La recherche c’est le doute
crient en cœur les commentateurs sur les réseaux sociaux. Oui, c’est le doute. Mais
un doute raisonné et raisonnable. Un doute précis et détaillé devrais-je même
ajouter. Dès lors, dans cette grande arène qu’est le monde scientifique, il
n’est pas de petits ou de grands chercheurs. Il n’est que chercheurs
spécialistes d’un domaine qui se disputent. Et la dispute ne peut se faire que
dans cette arène car, comme l’explique Bachelard pour parler science il
faut en posséder le vocabulaire. Cela ne laisse nullement le public en tant que
spectateur mais cela signifie qu’un plateau de télévision n’est pas une arène
scientifique. Cette notion-là est de plus en plus difficile à faire comprendre au
citoyen d’aujourd’hui. Répétons-le : les débats sur les plateaux de
télévision ou sur Youtube ne sont pas des débats scientifiques. En ce sens, la
dernière sortie de Blachier, d’Henrion-Caude, de Fouché ou de qui que ce soit
d’autre sont nulles et non advenues pour le monde scientifique
Bien malheureusement, le public se sent exclu.
Surtout, si on ajoute cette observation de Bachelard dans son ouvrage La formation de l'esprit scientifique :
qu’« une expérience scientifique est
une expérience qui contredit l'expérience commune ». Prosaïquement,
les anecdotes personnelles ne font pas la science. Mais le mensonge non plus.
Et d’autant moins qu’il ne fait la démocratie ! Dans un article du New
York Times du 23 avril 2020, le Prix Nobel de littérature turc Pamuk Orhan
déclare que « L’histoire et la
mémoire littéraire des épidémies nous montre que l’intensité de la souffrance,
la peur de la mort, la terreur métaphysique et le sens du surnaturel chez la
population affligée étaient proportionnels à l’intensité de leur colère et de
leur insatisfaction politique ». Dans son dernier ouvrage, Night of Plagues, publié l’an dernier et
non encore traduit en français, il raconte comment les gens ont toujours réagi
aux épidémies en rependant des rumeurs et de fausses informations et en
présentant la maladie comme étrangère et introduite avec des intentions malveillantes.
Dans notre siècle qui se veut moderne, nous en sommes là. Toujours !
Encore ! La nouveauté cependant est le rôle qu’ont joué certains membres
ou ex-membres plus ou moins éminents de la communauté scientifique.
Le mensonge ! Quelle misère. Depuis plus d’un
an que je discute du sars-cov2, des vaccins et aujourd’hui du pass sanitaire,
on m’a accusé de tous les maux : d’avoir un esprit dictatorial, d’être
vendu à Big Pharma, d’être payé par le gouvernement, d’être un chercheur au
très bas QI, de haïr le peuple ! Ce sont ceux qui mentent pour leur propre
profit, pour leur gloire personnelle qui haïssent le peuple. Ce sont ces
médecins, ces scientifiques qui vous font croire à une solution miracle et qui,
par passion personnelle, politisent, pervertissent les débats de recherche, qui
haïssent le peuple. Le mensonge n’est en aucun cas l’allier du citoyen. Au
contraire il est son adversaire le plus sournois, le plus rude à combattre. Comment
d’ailleurs donner de saines bases à la démocratie par le mensonge ? Et si
je vous dis que pour réduire, voire totalement éliminer le changement
climatique, il suffit de supprimer tout déplacement maritime. Fini les
supertankers, les bateaux de croisière, les thoniers et autres chalutiers. Me
croiriez-vous ? Bien évidemment que non ! Une solution si simple pour
un problème si complexe vous paraitrait fou ! Il ne vous reste plus qu’à
transposer pour vous rendre compte de vos erreurs, de vos errements.
Le mensonge ! Quelle misère. Je peux tout à
fait entendre et comprendre que nombreux sont les gens qui, artisans,
professionnels du tourisme, artistes, restaurateurs, ou autre se retrouvent
dans les manifestations contre le Pass Sanitaire, la pandémie actuelle ayant
ruinée leurs vies. Il est vrai que de très, de trop nombreuses vies furent
gâchées, brisées, détruites par ce virus sorti du fin fond d’une forêt
asiatique. Les gouvernements occidentaux dans leur ensemble, excepté sans doute
en Nouvelle Zélande, n’ont pas pris toutes les bonnes décisions à temps et les
justes mesures. Avouons ici, dans cet aparté politique, que leurs opposants
n’auraient pas fait mieux. Certains d’ailleurs, auraient fait pire. Mais ce que
je sais également c’est que beaucoup de manifestants croient aujourd’hui en des
contre-vérités, en des mensonges. Nous aurions tous aimé que des traitements, à
l’instars des trithérapies pour le sida, fonctionnent. Mais il n’en ai rien.
Ces potions magiques, pour reprendre mon exemple sur le changement climatique,
représentent la fin du vélo. Pensez-vous que si le vélo était interdit cela
changerait quoi que ce soit au dérèglement climatique ? Au contraire, cela
empirerait le phénomène à la marge. Là encore, transposez ! Dès lors,
puisque la recherche n’a toujours pas trouvé de thérapies à la Covid, la
solution du tout vaccinal semble être la plus adéquate. Le vaccin, toujours
dans mon exemple climatique, est l’éducation. L’éducation de tous dans mon
exemple. Et avec l’éducation qui va conduire au changement de comportements il
est d’une probabilité non négligeable, significative que nous puissions changer
les choses.
Si vous souhaitez être libres et donc
responsables, chassez le mensonge de votre esprit. Soyez attentif aux nouvelles
de la recherche et non aux beuglements des plateaux de télévision et aux
discours abscons d’aventuriers de la rhétorique primaire qui pullulent sur les
réseaux sociaux. Il y a eu, ces 16 derniers mois, sur cette chaîne, de
l’information sourcée sur tout ce qui concerne le sars-cov2. Etant chercheur
moi-même je suis entré dans cette arène des sciences pour mener combat. Après
un dernier article sur le blog de la chaîne concernant l’origine biologique du
sars-cov2 (ou vous trouverez le transcrit de cette vidéo), et sans doute une
vidéo tik tok sur l’historique des vaccins à ARNm, je sortirai de cette
arène-ci pour entrer dans une autre. Je ne vois en effet pas ce que je peux
ajouter de plus sur cette problématique. Avant la fin de l’année vous trouverez
notamment ici des vidéos sur le changement climatique et la santé. Comment ce
dernier affecte notre biologie ? Un nouveau combat d’informations
nécessaires, impératives. Mais je sais que là encore, les débats feront rage
dans les commentaires.
Amis, manifestants, un dernier mot pour vous.
Défendre la liberté c’est une bonne chose. Mais, et je reprends ici le mot de
la conférence des évêques de France, ne confondez pas les libertés. Mais
surtout, surtout, ne les hypothéquez pas sur du mensonge ou sur des théories
farfelues. Vous seriez alors les grands perdants. Vous êtes responsables de vos
sources d’informations. Et cette responsabilité vous engage face à vos enfants,
vos parents, vos amis, vos voisins. N’oubliez jamais aussi que la démocratie
est exigeante. Qu’importe votre famille politique. L’exigence démocratique
ordonne d’écouter l’autre, de prendre en compte ses opinions, de les comparer
aux siennes afin, à minima, d’entre-apercevoir le faux ou il se trouve. Durant
cette crise, j’ai rencontré et ai eu l’occasion de discuter avec des gens sublimement
engagés. Je vais notamment penser à Alexander Samuel. Nous sommes de familles
politiques bien distinctes mais l’exigence démocratique et un certain amour de
la vérité nous ont permis de nous retrouver sur de nombreux points.
Tatiana, aussi grande que soit ta souffrance,
prend le temps de réfléchir sur la complexité des mécanismes biologiques, des
mécanismes du monde et ne tombe plus dans l’espoir d’une solution simple. Tu
es, je n’aime guère ce mot, une influenceuse. Tes tweets ont un impact.
A tous ceux qui se sont désabonnés de Dirty Tommy,
sachez que je ne l’ai pas fait. Je l’écoute pour ses critiques cinéma et non
pour son avis scientifique. Il est sorti du cadre et du contrat passé avec ses
abonnés. Cela est vrai. Mais une chaîne est personnelle et je sors moi aussi
parfois du cadre. Lui aussi, est comme Tatiana, un influenceur et dois prendre
ses responsabilités. Mais vouloir se désabonner pour une seule vidéo me paraît
une trop lourde peine.
Enfin, à tous les amoureux de la science, je vous
invite à suivre la chaîne pseudo-croyance. Il n’y a pour l’instant qu’une vidéo
mais je fais le pari de qualité pour son avenir. Le lien est en description.
Pour les tipers, la vidéo sur Raoult vous sera envoyé à partir de la rentrée.
J’ai besoin de travailler le texte.
Paul-Emmanuel Vanderriele
La vidéo: https://youtu.be/eiaO3wNHI80
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