lundi 26 juillet 2021

Covid longue et traitement: ma réponse à Tatiana Ventôse!

 

Six années ! Ou presque ! Vendredi passé, après six années, ou presque, de travail, nous avons terminé et envoyé notre papier. Six années de travail qui se concluent par un papier. Enfin, conclure. Le terme est pour le moins inapproprié. Mais il n’y en a malheureusement pas d’autre. Le français, aussi riche que soit la langue, ne possède pas suffisamment de vocable pour décrire le monde scientifique. Un papier n’est pas une conclusion mais est souvent le début d’un nouveau projet, l’ouverture à de nouvelles perspectives. Certains diraient une renaissance. Là encore, ce serait faux.

Six années ! Ou presque ! Mise en place du modèle, étude de la modification génétique, description d’un mécanisme probable et identification d’une possible cible thérapeutique. Probable ! Possible ! Il n’y a pas, et ce malgré une utilisation rigoureuse de la méthodologie, des outils et des techniques scientifiques, de quoi modifier notre perception du monde. Il n’y a pas même de quoi grandement modifier la vision que nous avons de la pathologie que j’étudie depuis un certain temps déjà.

Six années ! Ou presque ! Pour du probable. Pour du possible. La recherche avance à petits pas. Un petit pas pour le chercheur et, trop souvent hélas, pas un grand pas pour les patients. Une simple petite bougie qui éclaire un théâtre trop vaste, un théâtre dont nous n’apercevons pas les contours.

Six année ! Ou presque ! Pour lever une part infinitésimale du voile d’une maladie, d’une pathologie complexe. Toutes le sont ! Toutes sont multifactorielles ! Toutes affectent de nombreux tissus.

Il parait, selon cette célèbre déclaration du Général que nous cherchons beaucoup mais que nous trouvons peu. En réalité nous trouvons beaucoup. Mais nos pas sont si petits que le public ne peut les voir, ne peut les comprendre. De notre hauteur d’homme, le déplacement d’une puce est invisible. Pourtant elle avance. Il faut le dire. Ce n’est pas notre faute : c’est la nature qui est complexe ! Sacrée évolution !

L’incompréhension de cette complexité fut le drame de l’actuelle crise sanitaire. Le public, au sens large, a cru les dires de certains médecins : un traitement, un seul, pourrait entièrement soigner une maladie aussi complexe que la Covid 19. Voilà donc qu’une potion magique pourrait faire disparaître tous les symptômes liés au virus, et chez tous. Pourquoi diantre s’embêter à avoir plusieurs types de traitements chez les hypertendus ? Chez les diabétiques ? etc. Pourquoi donc perdre son temps en cherchant les mécanismes d’entrée du virus ? Son processus de réplication ? Ses effets sur les reins, les tissus olfactifs, le système limbique ? La croyance en la molécule unique ou en une combinaison unique pour les soigner tous s’est infiltrée dans l’esprit du public et a fait perdre la raison à une part, longtemps croissante, maintenant en déclin, de la population. Au point que les critères d’inclusion et d’exclusion des divers essais cliniques à grande échelle étaient imperméables à l’intelligence du plus grand nombre. Tentons l’exemple pour plus de clarté. Pour traiter l’immunodéficience acquise, plus communément le SIDA, pathologie due à un virus à ARN, il existe de multiples trithérapies, c’est-à-dire de multiples combinaisons de molécules. Il est vrai, et c’est une simplification outrancière langagière, que nous parlons communément de trithérapie au singulier. Le français n’est sans doute pas fait pour la science ! Ou est-ce notre esprit ?

L’incompréhension de la complexité fut le drame de l’actuelle crise sanitaire. Répétons-le. Signe des temps, Barbara Stiegler, fille du père de la philosophie de la complexité, a pondu, en début d’année, un ouvrage d’une simplicité intellectuelle indigente ! La complexité semble être morte avec son père !

Alors, ma chère Tatiana, tu as tort. Tu as tort lorsque le 20 juillet tu t’écris sur le site à l’oiseau bleu et, sans doute folle de bonheur, que des chercheurs ont trouvé LA cause et LE traitement au Covid long (oubliant le féminin au passage). Et qu’en plus, écris-tu, ce n’est pas une blague. Ce n’est pas une blague mais une mécompréhension de ta part. Brièvement sur l’article, ils ont développé un modèle d’analyse in sillico et de discrimination des patients en Covid courte ou longue en se basant sur les facteurs d’inflammation et immunologique plasmatique. En aucun cas ils n’expliquent avoir trouver LA cause unique d’une covid longue et, encore moins LE traitement ; le mot therapies étant toujours au pluriel dans l’article. Ils indiquent simplement que leur méthode de classification aidera grandement les cliniciens à diagnostiquer et trier les patients. Un premier tri seulement donc. Un petit pas de plus et rien de plus. Car c’est cela la science : une vieille dame avançant par petits pas. Dès lors, Tatiana, pourquoi penser que cet article puisse donner une cause unique et un traitement unique à une pathologie aussi complexe que la Covid 19 ? Et, qui plus est, d’une longue Covid ? N’as-tu donc rien appris de la crise qu’a traversé et que traverse toujours le monde de la recherche en ce moment ? N’as-tu donc pas compris, au long de ces longs mois de malheureuse et bien regrettable souffrance pour toi Tatiana, que la complexité ne se résume pas au singulier mais se conjugue au pluriel ? Alors, oui, je comprends. Je comprends l’espoir que peut faire surgir en toi une telle publication.

L’espoir. Oui, Tatiana. L’espoir. L’espoir d’une, de LA solution miracle, a poussé tant de gens à suivre des chercheurs, des médecins qui, sortant des sentiers battus, sentiers tracés par la méthodologie et l’histoire de la science, ont affirmé avoir une potion magique. La volonté de devenir un héros est très présente dans l’esprit d’un chercheur. Comme l’a dit un jour feu le professeur Axel Khan : « Un chercheur est avant tout un homme qui a foi en lui et en son propre génie ». J’ajouterai ici que cette foi doit être réduite au silence pour laisser place au consensus.

Le consensus, chère Tatiana, est le fruit mûr de la critique, des attaques acerbes, des réflexions, des discussions. C’est l’autre drame de l’actuelle crise. Et là encore, Tatiana, tu es tombé dans le piège. Ce piège, presque invisible pour le public, de la critique scientifique. Un article n’est pas une conclusion. Il n’est qu’une étape. Une petite borne sur une route pratiquement infinie. Mais cette borne peut-être mal placée, déformée, mensongère de la mesure. Grâce à la critique, elle deviendra stable, fixe, bien ronde, vérité. Elle deviendra consensus. La recherche c’est le doute crient en cœur les commentateurs sur les réseaux sociaux. Oui, c’est le doute. Mais un doute raisonné et raisonnable. Un doute précis et détaillé devrais-je même ajouter. Dès lors, dans cette grande arène qu’est le monde scientifique, il n’est pas de petits ou de grands chercheurs. Il n’est que chercheurs spécialistes d’un domaine qui se disputent. Et la dispute ne peut se faire que dans cette arène car, comme l’explique Bachelard pour parler science il faut en posséder le vocabulaire. Cela ne laisse nullement le public en tant que spectateur mais cela signifie qu’un plateau de télévision n’est pas une arène scientifique. Cette notion-là est de plus en plus difficile à faire comprendre au citoyen d’aujourd’hui. Répétons-le : les débats sur les plateaux de télévision ou sur Youtube ne sont pas des débats scientifiques. En ce sens, la dernière sortie de Blachier, d’Henrion-Caude, de Fouché ou de qui que ce soit d’autre sont nulles et non advenues pour le monde scientifique

Bien malheureusement, le public se sent exclu. Surtout, si on ajoute cette observation de Bachelard dans son ouvrage La formation de l'esprit scientifique : qu’« une expérience scientifique est une expérience qui contredit l'expérience commune ». Prosaïquement, les anecdotes personnelles ne font pas la science. Mais le mensonge non plus. Et d’autant moins qu’il ne fait la démocratie ! Dans un article du New York Times du 23 avril 2020, le Prix Nobel de littérature turc Pamuk Orhan déclare que « L’histoire et la mémoire littéraire des épidémies nous montre que l’intensité de la souffrance, la peur de la mort, la terreur métaphysique et le sens du surnaturel chez la population affligée étaient proportionnels à l’intensité de leur colère et de leur insatisfaction politique ». Dans son dernier ouvrage, Night of Plagues, publié l’an dernier et non encore traduit en français, il raconte comment les gens ont toujours réagi aux épidémies en rependant des rumeurs et de fausses informations et en présentant la maladie comme étrangère et introduite avec des intentions malveillantes. Dans notre siècle qui se veut moderne, nous en sommes là. Toujours ! Encore ! La nouveauté cependant est le rôle qu’ont joué certains membres ou ex-membres plus ou moins éminents de la communauté scientifique.

Le mensonge ! Quelle misère. Depuis plus d’un an que je discute du sars-cov2, des vaccins et aujourd’hui du pass sanitaire, on m’a accusé de tous les maux : d’avoir un esprit dictatorial, d’être vendu à Big Pharma, d’être payé par le gouvernement, d’être un chercheur au très bas QI, de haïr le peuple ! Ce sont ceux qui mentent pour leur propre profit, pour leur gloire personnelle qui haïssent le peuple. Ce sont ces médecins, ces scientifiques qui vous font croire à une solution miracle et qui, par passion personnelle, politisent, pervertissent les débats de recherche, qui haïssent le peuple. Le mensonge n’est en aucun cas l’allier du citoyen. Au contraire il est son adversaire le plus sournois, le plus rude à combattre. Comment d’ailleurs donner de saines bases à la démocratie par le mensonge ? Et si je vous dis que pour réduire, voire totalement éliminer le changement climatique, il suffit de supprimer tout déplacement maritime. Fini les supertankers, les bateaux de croisière, les thoniers et autres chalutiers. Me croiriez-vous ? Bien évidemment que non ! Une solution si simple pour un problème si complexe vous paraitrait fou ! Il ne vous reste plus qu’à transposer pour vous rendre compte de vos erreurs, de vos errements.

Le mensonge ! Quelle misère. Je peux tout à fait entendre et comprendre que nombreux sont les gens qui, artisans, professionnels du tourisme, artistes, restaurateurs, ou autre se retrouvent dans les manifestations contre le Pass Sanitaire, la pandémie actuelle ayant ruinée leurs vies. Il est vrai que de très, de trop nombreuses vies furent gâchées, brisées, détruites par ce virus sorti du fin fond d’une forêt asiatique. Les gouvernements occidentaux dans leur ensemble, excepté sans doute en Nouvelle Zélande, n’ont pas pris toutes les bonnes décisions à temps et les justes mesures. Avouons ici, dans cet aparté politique, que leurs opposants n’auraient pas fait mieux. Certains d’ailleurs, auraient fait pire. Mais ce que je sais également c’est que beaucoup de manifestants croient aujourd’hui en des contre-vérités, en des mensonges. Nous aurions tous aimé que des traitements, à l’instars des trithérapies pour le sida, fonctionnent. Mais il n’en ai rien. Ces potions magiques, pour reprendre mon exemple sur le changement climatique, représentent la fin du vélo. Pensez-vous que si le vélo était interdit cela changerait quoi que ce soit au dérèglement climatique ? Au contraire, cela empirerait le phénomène à la marge. Là encore, transposez ! Dès lors, puisque la recherche n’a toujours pas trouvé de thérapies à la Covid, la solution du tout vaccinal semble être la plus adéquate. Le vaccin, toujours dans mon exemple climatique, est l’éducation. L’éducation de tous dans mon exemple. Et avec l’éducation qui va conduire au changement de comportements il est d’une probabilité non négligeable, significative que nous puissions changer les choses.

Si vous souhaitez être libres et donc responsables, chassez le mensonge de votre esprit. Soyez attentif aux nouvelles de la recherche et non aux beuglements des plateaux de télévision et aux discours abscons d’aventuriers de la rhétorique primaire qui pullulent sur les réseaux sociaux. Il y a eu, ces 16 derniers mois, sur cette chaîne, de l’information sourcée sur tout ce qui concerne le sars-cov2. Etant chercheur moi-même je suis entré dans cette arène des sciences pour mener combat. Après un dernier article sur le blog de la chaîne concernant l’origine biologique du sars-cov2 (ou vous trouverez le transcrit de cette vidéo), et sans doute une vidéo tik tok sur l’historique des vaccins à ARNm, je sortirai de cette arène-ci pour entrer dans une autre. Je ne vois en effet pas ce que je peux ajouter de plus sur cette problématique. Avant la fin de l’année vous trouverez notamment ici des vidéos sur le changement climatique et la santé. Comment ce dernier affecte notre biologie ? Un nouveau combat d’informations nécessaires, impératives. Mais je sais que là encore, les débats feront rage dans les commentaires.

Amis, manifestants, un dernier mot pour vous. Défendre la liberté c’est une bonne chose. Mais, et je reprends ici le mot de la conférence des évêques de France, ne confondez pas les libertés. Mais surtout, surtout, ne les hypothéquez pas sur du mensonge ou sur des théories farfelues. Vous seriez alors les grands perdants. Vous êtes responsables de vos sources d’informations. Et cette responsabilité vous engage face à vos enfants, vos parents, vos amis, vos voisins. N’oubliez jamais aussi que la démocratie est exigeante. Qu’importe votre famille politique. L’exigence démocratique ordonne d’écouter l’autre, de prendre en compte ses opinions, de les comparer aux siennes afin, à minima, d’entre-apercevoir le faux ou il se trouve. Durant cette crise, j’ai rencontré et ai eu l’occasion de discuter avec des gens sublimement engagés. Je vais notamment penser à Alexander Samuel. Nous sommes de familles politiques bien distinctes mais l’exigence démocratique et un certain amour de la vérité nous ont permis de nous retrouver sur de nombreux points.

Tatiana, aussi grande que soit ta souffrance, prend le temps de réfléchir sur la complexité des mécanismes biologiques, des mécanismes du monde et ne tombe plus dans l’espoir d’une solution simple. Tu es, je n’aime guère ce mot, une influenceuse. Tes tweets ont un impact.

A tous ceux qui se sont désabonnés de Dirty Tommy, sachez que je ne l’ai pas fait. Je l’écoute pour ses critiques cinéma et non pour son avis scientifique. Il est sorti du cadre et du contrat passé avec ses abonnés. Cela est vrai. Mais une chaîne est personnelle et je sors moi aussi parfois du cadre. Lui aussi, est comme Tatiana, un influenceur et dois prendre ses responsabilités. Mais vouloir se désabonner pour une seule vidéo me paraît une trop lourde peine.

Enfin, à tous les amoureux de la science, je vous invite à suivre la chaîne pseudo-croyance. Il n’y a pour l’instant qu’une vidéo mais je fais le pari de qualité pour son avenir. Le lien est en description. Pour les tipers, la vidéo sur Raoult vous sera envoyé à partir de la rentrée. J’ai besoin de travailler le texte.


Paul-Emmanuel Vanderriele

La vidéo: https://youtu.be/eiaO3wNHI80

 

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