Mes amis, le sujet est sérieux. Sérieux
certainement, drôle possiblement ! Rassurez-vous. Vous comprendrez bientôt
pourquoi j’emploie le terme « drôle ».
Dans les dossiers d’enquête de l’AP-HM sur les
méthodes scientifiques et managériales du professeur Raoult et des chefs de
pôle de l’IHU marseillais, des membres du personnel se mettent à table. Et, ne
boudons pas notre plaisir, presque notre victoire : certaines déclarations
sont croustillantes. L’un déclare qu’il est mal à l’aise face, ouvrez les
guillemets, à « des pratiques scientifiques et éthiques regrettables ».
Un autre va plus loin en expliquant, et là à nouveau les guillemets s’ouvrent,
qu’il « n’y a pas de véritable science derrière les publications de
l’IHU depuis des années ». Le chercheur que je suis s’interroge sur ce
terme « véritable science ».
Que souhaite nous dire l’auteur de ces propos ? Il faut lire plus avant.
Ce médecin poursuit par cette terrible affirmation : « Les
résultats présentés doivent correspondre aux hypothèses faites par Didier
Raoult ». Stupeur et tremblements ! Soyons honnête ! Depuis
longtemps la stupeur nous a quitté lorsque l’on parle de cet institut.
Les résultats doivent correspondre aux hypothèses !
Donc, selon ce médecin, pour le professeur Raoult, la réalité biologique doit
donc être ciselée pour entrer dans la forme hypothétique. Et tant pis pour ce
qui aurait été supprimé. Les statistiques, la méthode, la reproductibilité aux
oubliettes. Et la clé est jeté. Le professeur Raoult, du haut de son génie,
ordonne et la réalité obéie. Pour paraphraser Bernanos, la réalité n’est qu’une
naine juchée sur les épaules du géant Raoult !
Les résultats doivent correspondre aux hypothèses !
Ou du raisonnement de bas étage. Dès la seconde ou troisième année d’université
les étudiants ne font plus ce genre d’erreur. Les professeurs dignes de ce nom
le leur apprend. Est-ce à dire que les équipes de l’IHU Méditerranée n’ont pas
le niveau d’un étudiant de licence ? Il serait faux de le croire. Les cadres de l’IHU tentent par tous les
moyens de se hisser sur le podium des équipes les plus citées au monde. A cela
s’ajoute, et les témoignages le décrivent, le culte de la personnalité. On
apprend par exemple que les vidéos du professeur Raoult tournent en boucle au
sein de l’IHU.
Les résultats doivent correspondre aux hypothèses !
C’est pour cela, nous expliquent les médecins qui témoignent que lors des
premiers tests cliniques de l’hydroxychloroquine pour lutter contre le SARS-CoV2,
et ici ouvrons les guillemets pour citer, « les résultats n’allant pas dans le sens de Didier Raoult », le
seuil de positivité des tests PCR a été modifié. Le nombre de cycles étant plus
faibles pour les patients ayant pris le traitement que pour le groupe témoin.
Là, si cela est avéré, et par soucis d’être factuel, restons sur le
conditionnel, il s’agirait d’une falsification
de résultats pour reprendre le terme des personnes entendues, d’une fraude
manifeste si l’on n’a pas peur des mots, de bas étage. De bas étage oui !
Une possible fraude sans art ! Une possible fraude d’un niveau amateur qui
passe largement sous les radars du reviewing. En effet, un reviewer ne peut un
instant pas imaginer qu’un chercheur, qu’un médecin ait pu changer le nombre de
cycles d’une PCR entre deux groupes de patients. Pourriez-vous penser qu’un
faussaire imprime ses faux billets en noir et blanc ? Impensable tant ce
serait grotesque ! Impensable pour un reviewer ! Pour un reviewer
peut-être. Mais pas pour un Silviano Trotta, je vous ai dit que la situation
était drôle, qui nous a averti à grand cri de la possibilité de fraude aux
cycles d’amplification. Ah ! Jeune Silviano, tu vois que cette fraude n’a
pas servi à gonfler artificiellement le nombre de sujet contaminé au sars-cov2
mais… à le diminuer ! Hilarant, n’est-ce pas ?
Une possible fraude sans art ! Sans art et
pourtant publiée ! Ah qu’elles sont loin les fraudes détectées par la
devenue célèbre Elisabeth Bik qui observe tous les jours sur son écran l’ingéniosité
de certains faussaires des sciences !
Une possible fraude sans art qui a déchiré la France
et une partie du monde en deux !
Mais faisons un pas de plus et interrogeons-nous.
Les faussaires scientifiques, combien de divisions ? Selon le chercheur et
journaliste scientifique Nicolas Chevassus-au-Louis, la malscience, pour utiliser son terme, est avouée par 2% des
chercheurs interrogés. Le chiffre interroge. 2% ! Ah ! Le chercheur
que je suis pourrait expliquer qu’en deçà des 5% ce n’est pas représentatif.
Certes. Mais, tout de même : 2%. 2%... c’est déjà trop !
Et puis, avouons-le. Une question peut tarauder
les esprits taquins. Comment cela se fait-il que personne n’ait dénoncé ces
fraudes ? Médiapart y répond par l’atmosphère terrible qui règne au sein
de l’IHU marseillais. Cela est sans doute une partie de la réponse mais le tableau
n’est pas complet. Il est très difficile pour un chercheur de dénoncer une
falsification de résultats au sein de son institut et encore plus de son
équipe. Outre le fait qu’il faudrait qu’il le prouve, il devra convaincre des
personnes qui ont confiance à la personne mise en cause. Comme son chef de
laboratoire ou de service. Il faudrait donc convaincre ces personnes-là qu’elles
font mal leur travail en n’étant pas assez attentives sur la production
scientifique de leurs collaborateurs. Pas facile, n’est-ce pas ? Pas
facile et dangereux pour la carrière. Pour reprendre un concept du philosophe Éric
Sadin, les chercheurs aussi sont soumis à un isolement collectif. Le nez dans
le guidon on se préoccupe peu des autres, de leurs recherches, de leurs projets. On a peur pour les nôtres et donc pour notre place, notre carrière. Cet isolement collectif tue la science ! Car
s’il est nécessaire de dénoncer les falsifications déjà publiées, il serait
plus utile de le faire avant soumission d’un papier.
Ah ! Le papier ! Alpha et Oméga de la
vie d’un chercheur !
Ah ! Le papier ! Que de temps de matière
grise et d’argent investi. Temps et argent perdu, jeter aux ordures de la
science en cas de fraude. Parlons d’argent ! Un fraudeur fiscal qui se
fait choper par un contrôleur du fisc paiera une amende. Un fraudeur qui ne
paie pas son titre de transport et qui se fait contrôler, paiera une amende !
Et le chercheur ? La science est-elle à ce point en dehors de la société
que le fraudeur scientifique ne paiera rien ? Pourtant, l’employeur d’un chercheur public est
le citoyen ordinaire qui finance une part de la recherche par ses impôts. Ne
devrait-il alors pas demander des comptes au chercheur-fraudeur ?
Paul-Emmanuel Vanderriele
Pour aider: https://utip.io/lascienceteparle
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