Le 30 août 2021, le Professeur Raoult était l’invité d’une chaîne de
télévision française, C8, dans une populaire émission. Comme à son
habitude il a fait des déclarations étonnantes pour un chercheur. Et, puisqu’elles
m’ont surprises je souhaite ici rapidement les analyser. Au moins certaines.
« On a publié, bien sûr, plus de papiers que
tous les français. On est à 112 publications internationales sur la Covid ».
Vérifiant ses dires, j’ai constaté que, selon les filtres utilisés pour une
recherche Pubmed, on observe que le Professeur Raoult a co-signé entre 104 et
115 papiers (de tout type) sur la Covid-19. Son chiffre de 112 semble donc
exact. Ce qui est surprenant ici est la quantité astronomique de papiers
publiés. Astronomique ! N’ayons pas peur des mots.
En effet, pour publier un Original
Research Paper, il est impératif de designer une étude, de faire ladite
étude, de l’analyser statistiquement, de faire vérifier ses statistiques, d’écrire
le papier, de l’envoyer, de passer par l’étape de révision par les pairs (le
fameux peer-reviewing) avant la
publication. Sans oublier que, lorsque l’on travaille avec des humains ou des
animaux, une commission doit, au préalable, analyser et valider le design de
notre étude.
Pour publier une Review, le
chercheur devra poser un thème, chercher tous les papiers qui traitent de ce thème,
les classer, les analyser, les mettre en corrélation pour en sortir des hypothèses
viables qu’il pourra proposer à la communauté scientifique. Le processus de
publication est identique, et donc aussi strict, que pour un Original Research Paper. Les pairs
interviennent donc ici aussi.
Pour publier une Méta-Analyse, il faut définir une problématique en posant
une hypothèse à laquelle on veut répondre (e.g : l’hydroxychloroquine,
seule ou en association avec l’azythromicine, permet-elle de diminuer la durée
d’hospitalisation des patients ayant contractés la Covid-19 ?), cherchant
tous les articles traitant, de près ou de loin, de cette problématique, les
analyser, les sélectionner (en expliquant dans le corps du texte cette
sélection), les mettre en corrélation pour répondre à l’hypothèse. Là aussi, le
processus de publication est identique aux autres types de papiers.
Ainsi, le fait que les équipes du Professeur Raoult aient pu être en
capacité de faire en 16 mois (en comptant à partir de février 2020) 112 fois ce
processus, interroge le scientifique que je suis. Mais il devrait également
interroger le public. La rapidité avec laquelle les équipes de l’IHU
marseillais publient (sur le seul sujet de la Covid-19, 7 papiers par mois)
est la preuve que la recherche a failli. Ce binge-publishing,
généralisé à l’échelle de la planète, a conduit à une surproduction, à une
négligence du reviewing dont la durée a été drastiquement diminuée, à un
contournement des diverses méthodologies scientifiques (oubli de groupe
contrôles, mauvais modèles d’études, etc), à une surmultiplication d’articles d’opinion
(référencés souvent comme des Original
Articles). La recherche a failli et le public a sombré avec elle ! La
qualité n’a pas été au rendez-vous !
« On a été les premiers au monde à trouver des
variants parce que je fais de la génétique microbienne depuis 21 ans »
Cette affirmation est fausse. Et…Raoult l’avoue dans ses publications.
En effet, dans leur papier nommé : Emergence
and outcomes of the SARS-CoV-2 ‘Marseille-4’ variant, publié le 23 mars
2021, ils évoquent deux épisodes majeurs. La première phase épidémique aurait,
selon les auteurs de l’articles, débutée en février 2020 pour se terminer en
mai 2020. La seconde phase épidémique serait brutalement survenue au mois de
juin. Les auteurs indiquent qu’au vu de la courbe épidémique atypique ils ont
fait l’hypothèse que cette phase serait le résultat de variants du SARS-Cov2.
Une dizaine pour être précis. Ainsi, si l’on en croit cet article, les équipes
de l’IHU marseillais n’ont fait l’hypothèse de variants qu’en juin 2020. Qui
plus est, les articles publiés par ces équipes et mis dans la bibliographie de
celui-ci, datent de…2021. Or, avant même juin 2020, des chercheurs avaient déjà
décrit des mutations du SARS-COV2. Une équipe italienne notamment qui, le 22
avril 2020, publie cet article : Emerging
SARS-COV2 mutation hotspots include novel RNA-dependent-RNA polymerase variant dans lequel il est clairement montré que le SARS-Cov2 mute.
"Il est vraisemblable, nous on a des données préliminaires qui montrent
qu'il y avait du covid-19 au 19ème siècle"
Voilà sans doute
l’affirmation la plus étrange de ces 22 minutes d’interview.
Puisqu’il s’agit
de données préliminaires nous ne pouvons pas y avoir accès. Toutefois, il est
possible et probable que le Professeur Raoult parle du virus OC43. En effet, depuis quelques temps, ce coronavirus qui est
aujourd’hui bénin pour l’humain, est pensé comme étant à l’origine de la
pandémie de grippe russe qui ravagea le monde entre 1889 et 1894. Il
ne s’agit toutefois, et malgré quelques éléments cliniques et phylogénétiques,
toujours que d’une hypothèse à ce stade.
A moins
que le Professeur Raoult estime que l’on nomme cette pathologie Covid-19, pour
XIXe siècle. Mais cela est fort peu possible.
Paul-Emmanuel
Vanderriele